A bord du Baïkal entre Perm et Irkoutsk

2 jours et 3 nuits à bord du Baïkal, train « firmenie » (« luxe ») qui relie Saint-Petersbourg à Irkoutsk.

A l’entrée, comme toujours, la provodnitsa contrôle billet et passeport. Provodnitsa (masculin : provodnik) : l’hôtesse ou plutôt la cheftaine du wagon – très souvent ce sont des dames et elles sont deux. Et elles ne sont jamais d’accord pour se faire prendre en photo. Place n° 20.

Avant toute chose, enfiler sa tenue de combat : jogging, short ou pyjama et tatanes. A bord, température tropicale, mieux vaut s’habiller léger (23 à 27°, c’est affiché fièrement dans chaque wagon). Nb : cet uniforme débraillé peut révéler 15 minutes avant l’arrivée un élégant jeune homme en chemise impeccable et boots en daim… qui retrouve sa petite amie sur le quai bien sûr.

On installe son lit (si la provodnitsa ne s’en est pas déjà chargé) : matelas pas bien épais et kit repassé impeccable comprenant draps, taie et micro-serviette de toilette. Je voyage en platskartny, la classe la moins chère avec compartiments ouverts sur tout le wagon, plus propice aux rencontres chaleureuses et où je ne risque pas de me retrouver enfermée avec 3 rustres bourrés ou pas causants. Pourvu que personne ne ronfle.

Caser son bagage en dessous de la couchette du bas ou au dessus de celle du haut suivant l’endroit où on dort. Comme toujours, j’ai la couchette du haut : pour avoir celle du bas, la plus prisée, il faut réserver plus tôt.

Le train démarre. On se présente (Tania, Valentina, Veronika… et Marina. Plus un monsieur chanceux au milieu de toutes ses filles, mais pas pour longtemps, il descend dans 400 km), on échange bribes de russe et d’anglais, figues sèches et bonbons. On boit des litres de thé.

On lit. On dort – pas toujours très bien mais beaucoup et n’importe quand. On mange à toute heure : le wagon-restaurant est désert et jugé très cher par mes voisines (« tu te rends compte que tu as payé ton omelette 250 roubles [6€] alors qu’un oeuf ne vaut pas 5 roubles ? ») : je m’y réfugie pour écrire.

Tout le monde a amené son pique-nique plus ou moins heureux et ses soupes instantanées.

On fait la queue aux toilettes, sa trousse et sa micro-serviette de bains sous le bras. Le wagon sent la nourriture, pas les pieds sales, si vous voulez tout savoir. On s’interdit quand même de chatouiller les pieds qui dépassent des couchettes.

Quoi qu’il arrive, on fait exactement ce que demande la chef, la provodnitsa : tant pis si elle n’est pas trop sympathique et ferme l’un des 2 toilettes après les avoir nettoyées pour se les garder propres, ce qui témoigne d’un certain réalisme mais pas d’une grande foi dans son prochain.

La ligne Baïkal vient de fêter ses 45 ans, c’est affiché sur les rideaux : voitures modernes, toilettes neuves fonctionnant même pendant les arrêts (luxe suprême. Ils sont « bio » m’assure-t on) et… douche en voiture 8 ! Tania, ma voisine de compartiment, m’apprend la nouvelle en débarquant les cheveux mouillés. Je décide que pour 93 roubles (2,5 euros), le témoignage d’une douche dans le Transsibérien a plus de valeur pour vous que celui de 3 jours sans se laver (expérience que vous pouvez réaliser à la maison quand vous le souhaitez. Surtout racontez-moi !). Les lecteurs avant tout évidemment… Résultat : spacieux et délicieux, bien mieux que pas mal de douches d’hostels surmenées.

Rien à voir avec l’affreux Kazan-Ieakaterinbourg où je logeais à côté des toilettes : bruyant claquage de porte à chaque fois qu’un de ces messieurs sortaient fumer sur la plateforme entre les wagons, wc dégoutants, mecs encore/déjà bourrés au réveil, titubant entre 2 couchettes en jogging piteux…

Chaque matin, je mets le nez à la fenêtre avec enthousiasme et tombe sur un horizon identique de bouleaux et de pins. A l’entrée des villes, quelques barres d’immeubles peu reluisantes et des bonnes vieilles usines.

Deux ou trois fois par jour, escale de 20 ou 30 minutes : je me rue sur le parvis de la gare (oui, oui avec mon look pyjama. Et ma petite laine pour éviter le choc thermique. Dehors il fait 5-10°), à la recherche d’un peu d’air, d’une impression d’Omsk ou de Krasnoiarsk, de quelque chose d’original et de frais à grignoter, d’une photo… A vrai dire, je ne trouve pas grand chose.

Rien de mieux que ce qu’il y a sur le quai ou dans la gare : des petites boutiques qui vendent tout ce qu’il faut pour voyager, des plats instantanés aux lingettes démaquillantes en passant par les brosse à vêtements minuscules : ambiance piérérods.

Bientôt on dérive sans plus savoir où l’on est (pas de nom affiché sur les quais de gare), ni l’heure qu’il est : éternelle heure de Moscou dans les trains et dans les gares, tandis que nous avançons chaque jour d’un fuseau horaire. Les montres affichent l’heure préférée de chacun : celle de la maison, de Moscou, à destination…

Une gigantesque grasse matinée avec permission de ne rien faire, le train s’occupe de vous faire avancer : j’adore. J’ai envie que le voyage dure encore et encore, je redoute l’arrivée et la reprise du marathon hostel-billet de train-casage de visites à l’arrachée. Je rêve déjà de revenir en hiver filer des jours et des jours dans des paysages enneigés.


2 commentaires on “A bord du Baïkal entre Perm et Irkoutsk”

  1. Jean-Luc dit :

    C’est vrai que tes photos sont plutôt très réussies dans l’ensemble … ça me donnerait presque l’envie de faire un blog moi aussi ^^
    Ton train c’était quand même le grand luxe par rapport au bien pauvre 339 que j’ai pris de Vladivostok à Irkutsk…mais quelle superbe expérience aussi de mon côté (les russes sont vraiment très très bavards et chaleureux même quand on ne comprend pas un mot de russe!)
    Bonne route à toi Marine 🙂

  2. Marine dit :

    Merci Jean-Luc pour le petit mot. Et oui, c’est dommage que tes photos dorment dans ton appareil non ? 😉 J’espère qu’on va les voir bientôt et qu’à l’ouest tout va bien. Bises


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